MINARI

13 juin 2021

De la même manière que A Beautiful Day in the Neighborhood nous ramenait à une période où les médias étaient plus pacifiques, Minari nous ramène à une Amérique rurale plus paisible, quand l’immigration n’était pas un sujet de controverse, un sujet à haute intensité politique comme elle l’est devenue aujourd’hui. Pourquoi cette nostalgie à propos d’une période quand même assez récente? Qu’est-ce qui a tant changé dans les dernières trente ou quarante années en Amérique ?

MINARI, un drame-comédie- film semi-autobiographique écrit et réalisé par Lee Isaac Chung, qui a reçu le grand prix du public au Festival de Sundance de 2020, nominé six fois aux Oscars de 2021 pour les films de 2020.

L'HISTOIRE

La jeune famille sud- coréenne Yi qui émigre via la Californie dans la région des montagnes Ozarks, plus spécifiquement en Arkansas, veut implanter une petite ferme, qui vise éventuellement à produire des légumes spécifiquement destinés à être vendus à des immigrants coréens installés dans le sud des États-Unis.

De la même manière que la famille s'adapte assez bien à son nouvel environnement, avec les défis, par ailleurs, auxquels on peut s'attendre, la mère y plante aussi du minari, une sorte de céleri d'eau qui s'adapte bien à différents environnements.

Le père Jacob et le mère Monica ont deux enfants. Au commencement de leur entreprise, et même durant ses tout débuts, ils travaillent à temps partiel, pour survire économiquement, dans une entreprise agricole de production de poulets, dans le cadre d'une tâche qui vise à séparer les coqs des poules.

Afin de mieux s'intégrer dans le milieu hôte, le couple se rend à des services religieux. Les membres de la communauté religieuses leur sont sympathiques et amicaux. À la fin d'un service, par exemple, un jeune de la localité, après avoir exprimé spontanément son étonnement sur le faciès du jeune fils David, devient son ami et l'invite à passer la soirée chez lui. La famille d'accueil n'est pas la famille rurale de l'Arkansas à laquelle on pourrait s'attendre, et le père du jeune américain, qui vit comme célibataire, quitte le domicile en soirée pour sortir, présumément pour se rendre au bar local. Les jeunes s'entendent bien et passent une belle soirée.

Dans la même foulée, la ferme familiale émergente a besoin d'un peu de main d'œuvre locale. Tout se passe bien à cet effet, même si un « divinateur de présence d'eau sous-terraine » local, en soutenant que son bâton magique va trouver l'eau nécessaire sous le sol, se fait dire qu'au final, ses services ne seront pas retenus. Le père et le fils Yi développent une méthode pour trouver l'eau sous-terraine qui semble plus rationnelle, et le fils et le père se moquent entre eux de la méthode du devin local, convaincus que leur méthodes à eux est plus rationnelle et logique.

Mais au final, la société hôtesse est présentée comme étant tout de même sympathique, avec par ailleurs ses particularités et ses dimension irrationnelles.

En revenant des services religieux, la famille Yi, à bord de leur automobile, aperçoit sur leur chemin de retour Paul, leur employé excentrique et fervent Évangéliste, qui parcourt la route rurale en portant sur ses épaules une imposante croix. Ils auraient pu s'attendre à une telle ferveur religieuse puisque Paul rendait hommage à Jésus tout du long de son travail à la ferme. La famille lui offre de les rejoindre à bord, mais Paul veut continuer à célébrer le Christ en portant sa croix.

L'ANALYSE DU MOVIE SHRINK

Dans son volume classique, *Trust (*1995), Francis Fukuyama présentait la famille comme étant le fondement de la société et de l'économie de la Corée du Sud. Cela est aussi évident dans un autre film récent, Parasite, gagnant du prix du meilleur film aux Oscars il y a un an, un film qui raconte comment une famille sud- coréenne en trompe une autre, jusqu'à lui faire croire, par divers subterfuges, à ses compétences irremplaçables pour la bonne marche de la maison.

Dans Minari, la famille coréenne demeure la base des opportunités économiques, même si elle n'est pas, elle non plus, la famille parfaite. Le couple en arrive même à considérer le divorce et le jeune fils, David, considère que sa grand-mère n'est pas une authentique grand-mère puisqu'elle ne sait pas vraiment comment cuisiner des biscuits pour lui. Nous avons donc affaire à une famille imparfaite. N'est-ce pas le lot de nous tous ?

C'est par ailleurs à travers une famille immigrante sud- coréenne que nous voyons l'Amérique. De cette façon, c'est la famille immigrante qui devient l'évaluation de ce qui est normal. Vues de cette façon, les actions du « devin » de la présence de l'eau et le chemin de croix de l'employé évangéliste pour célébrer Jésus apparaissent plus que comme des particularités, elles paraissent carrément irrationnelles. D'habitude, c'est l'immigrant qui peut paraître étrange ou pas tout à fait normal. Mais ici, les rôles sont renversés ou du moins réorganisés.

Mais ces dimensions irrationnelles ne disqualifient pas la culture américaine, elles ne font que souligner la présence de « l'exception américaine », la façon américaine de faire les choses.

Étant donné cette façon modérée de voir les choses, « le film peut être apprécié par les deux extrêmes de l'échiquier politique américain...et (par) toutes les tendances entre les deux », ainsi que Tara Brady l'a écrit dans le Irish Times récemment.

Cette dernière observation, à l'effet que le film peut être apprécié par toutes les tendances de l'échiquier politique américain, nous fait prendre conscience par le fait même que cet échiquier politique est caractérisé aujourd'hui par des tendances très opposées les unes aux autres.

DANS UN PERSPECTIVE PLUS LARGE

L'immigration est devenue, ces dernières années, un sujet de discorde dans la société américaine, un sujet de vifs débats dans l'opinion publique.

Le film nous montre comment cela n'a pas toujours été le cas, même dans un passé assez récent, soit dans l'Amérique des années 1980.

Comme A Beautiful Day in the Neighborhood, qui nous ramenait à une période médiatique moins litigieuse, Minari nousramène à une période où l'immigration n'était pas un sujet de discorde en Amérique.