UNE ROBE POUR MRS. HARRIS

24 septembre 2022

Les critiques sont unanimes pour louanger ce film humoristique et charmant qui raconte le séjour d’une modeste femme de ménage britannique qui décide de se rendre à Paris pour s’acheter une robe auprès d’un grand couturier. Par ailleurs, le film se révèle particulièrement révélateur en ce qui concerne les différences culturelles entre la France et l’Angleterre.

Une robe pour Mrs. Harris, un drame-comédie du réalisateur Anthony Fabian, qui a aussi participé au scénario, sorti sur les écrans en juin 2022, qui a atteint des scores de plus de 95 % d’approbation de la part des critiques et aussi des membres du public sur le site Rotten Tomatoes.

L’HISTOIRE

Une modeste femme de ménage britannique, à la faveur d’une pension inattendue de la part de son défunt mari, et à l’aide de ses propres économies, décide de se rendre à Paris pour y acheter une robe de haute couture chez le réputé designer Christian Dior.

Les événements ne se déroulent pas tout à fait comme prévu, et madame Harris se trouve au cœur d’une transformation de l’entreprise du designer, alors que celle-ci, traditionnellement dévouée à une clientèle exclusive et exigeante, se tourne maintenant vers des robes pouvant être achetées par une classe moyenne plus large et nombreuse.

Durant son séjour à Paris, madame Harris rencontre des gens généreux et sympathiques, et d’autres qui le sont moins. Il semble que l’éventail des comportements interpersonnels, entre l’extrême gentillesse et l’extrême arrogance, soit plus large en France qu’en Grande-Bretagne, où les gens sont plus limités par une sorte de respect pour une conduite plus « «standard ». En effet, la France apparaît comme un lieu où les gens se laissent aller plus facilement à leur penchant naturel et spontané. Pourtant, en matière de goût, et de bon goût en particulier, des règles semblent s’imposer à tous en France, mises en place par une élite de la mode qui en détermine les contours.

QUELQUES INTERPRÉTATIONS

Bien entendu, on pourrait dire que toute interprétation de ce film serait superflue, car c’est un film qui se veut surtout charmant et drôle, et c’est tout.

En effet, pour plusieurs critiques, il n’y a pas lieu d’aller plus loin, et le film n’est qu’un « conte de Fée de l’après-guerre », selon les mots de Maggie Smith du Millenium Falcon Review, ou encore « une petite histoire de la signification des choix de ce que nous allons porter ainsi de ce que ces choix disent à propos de nous et de nos valeurs », selon Frederic et Mary Brussat de Spirituality and Practice.

Pourtant, Des Films sur le Divan voudrait aller un peu plus loin.

LE POINT DE VUE DES FILMS SUR LE DIVAN

Même si le film n’a aucune prétention véritable, il nous suggère avec doigté certaines différences historiques et culturelles entre la tradition française et la tradition britannique.

Nous savons comment les Français peuvent être, tout à la fois, les plus aimables et les plus détestables des individus, on l’a dit.

Mais il y a plus, comme le film d’ailleurs le suggère.

On peut en entrevoir certains éléments qui nous aident à comprendre l’évolution de la France et de certains aspects de sa culture en se référant au sociologue allemand Norbert Élias qui a retracé un élément important de l’histoire en France en montrant comment, historiquement donc, les élites en France ont réussi à imposer ses lois de l’esthétique et du bon goût, plus que n’importe où ailleurs en Europe. Cela a à voir avec le fait que, bien avant les autres pays européens, le monopole de la force militaire s’est imposé dans tout le pays. Le reste, comme disent les anglophones, appartient à l’Histoire.

On est en face donc d’une certaine contradiction, à savoir, tout à la fois, une grande variété de comportements individuels, qui font souvent fi de ce qui est acceptable socialement, d’une part, et, en même temps, des normes assez exigeantes sur ce que sont le bon goût et la mode, dictées par une élite qui impose ses choix à l’ensemble des Français. Là réside une des contradictions françaises.

Et donc, ce film sans prétentions nous présente avec beaucoup d’à propos des éléments fondamentaux de la culture française, en particulier cette particularité qui donne un rôle décisif à l’élite française en matière de bon goût et d’esthétique, avec toutes les conséquences que cela peut avoir comme impact sur la mode dans le monde entier, et un impact positif sur les activités économiques et les exportations françaises dans le monde. Le bon goût, l’esthétique, cela s’exporte et contribue à la balance des paiements.

Le film Une robe pour Mrs. Harris n’est pas vraiment un film superficiel, et le fait qu’il peut être charmant et drôle n’enlève rien à ses qualités, bien au contraire.

Donc, à l’approbation du public et des critiques, on pourrait ajouter celle de plusieurs historiens et sociologues.