THE VAST OF NIGHT

2 octobre 2020

Dans une histoire qui rappelle Close Encounters of the Third Kind (1977), ce film sur des sons étranges émanant d'une fréquence audio inhabituelle, entendue dans une petite ville du Nouveau-Mexique, est d'une simplicité trompeuse. Il pourrait être mieux compris lorsqu'il est combiné avec A Beautiful Day in the Neighborhood (2019).

Un thriller-drame-fantastique américain réalisé par Andrew Patterson, présenté au Festival du film de Sundance en 2019 et sorti en salles et en streaming en mai 2020

L’HISTOIRE

(ceci est une alerte aux divulgâcheurs : ne pas lire cette section si vous souhaitez connaître l’histoire uniquement lors du visionnement du film).

Dans la petite ville fictive de Cayuga, au Nouveau-Mexique, dans les années 1950, une adolescente qui travaille comme standardiste, Fay Crocker, entend des bruits inhabituels et étranges émanant d'une source inconnue, depuis son poste de travail. Elle alerte bientôt son ami Everett Sloan, l'animateur et disc jockey de la radio locale, sur ces événements étranges, et ils commencent leur recherche pour élucider le mystère, en faisant d'abord entendre aux auditeurs de la radio ces sons étranges.

Leur recherche les amène à écouter un auditeur qui reconnaît les sons en question. Billy, l’auditeur, dit qu'il a déjà entendu ce son inhabituel lorsqu'il était employé par l'armée américaine pour construire des installations ultra-secrètes visant à protéger un véhicule mystérieux, venu peut-être de l'espace. On a découvert plus tard que les personnes employées dans cette construction avaient connu des problèmes de santé respiratoire et autres, et qu’elles étaient toutes noires ou mexicaines.

Un autre coup de fil conduit la paire de jeunes détectives-enquêteurs à une personne âgée, Mabel Blanche, qui reconnaît également le son en question. Quand elle a entendu ce bruit pour la première fois il y a plusieurs années, elle était encore une mère célibataire relativement jeune. Son fils, Hollis qui, plus tard, a eu un contact plus étroit avec les êtres derrière les sons inhabituels, a disparu, vraisemblablement kidnappé par ces êtres du ciel alors qu'il était encore jeune, pour ne jamais être retrouvé. Le père de Hollis, apprend Mabel, avait été en contact avec ces véhicules étranges et il est mort prématurément, peut-être des suites d’une contamination électrique ou radiologique.

Mabel confie à ces jeunes enquêteurs qu'elle a eu toute une vie pour réfléchir à ces événements et à la disparition et au kidnapping de son fils. Elle propose une analyse assez détaillée de ce qu'elle pense être en jeu dans ces événements curieux et étranges.

Selon Mabel Blanche, ces étranges visiteurs venus du ciel « incitent les gens à faire des choses et à penser de certaines manières - pour qu'ils restent en conflit, concentrés sur eux-mêmes - afin que nous ... nettoyions toujours la maison ou perdions du poids ou nous habillions uniquement pour bien paraître pour d'autres personnes… (au final), j'ai vu des gens biens devenir méchants et des gens intelligents devenir fous… »

L’INTERPRÉTATION DU MOVIE SHRINK

Il existe de nombreuses façons d'interpréter les propos intrigants de Mabel et cette histoire curieuse de sons qui proviennent d’au-delà de notre planète.

Sous le couvert de visiteurs extra-terrestres, il pourrait s'agir d'une évocation des années 1950, où l'on pourrait trouver, côte à côte, un conformisme assez étroit, d'une part, et des émissions de télévision comme « TheTwilight Zone » de Rod Serling, d’autre part, où des histoires très déstabilisantes étaient présentées sur les réseaux standards, à des heures de grande écoute. Telles étaient en effet les contradictions des années 1950. Ce point de vue est proposé par le critique de cinéma du Guardian, Peter Bradshaw, avec sa perspicacité habituelle.

Du point de vue du Movie Shrink, il pourrait y avoir autre chose encore, à propos de ce film significatif. Il ne serait pas exagéré de proposer qu’il réfère également à l’aventure folle de l’Amérique avec toutes sortes de médias de communication, ou comme Bradshaw le décrit, «la peur et l’enthousiasme de l’Amérique face au pouvoir grandissant des médias et de la communication de masse».

Dans les premières séquences du film, alors que le lycée de la petite ville se prépare pour le match de basket local, se présentent beaucoup de pépins techniques pour la diffusion du match, comme des fils de communication détruits par des rats dans l’école, ou des problèmes d'enregistrement causés par un manque d’argent et un espace limité sur l'appareil d'enregistrement. Pour résumer, de nombreuses difficultés et problèmes matériels peuvent entraver l’enregistrement du match.

Mais les problèmes identifiés par madame Mabel Blanche ont plus à voir avec des enjeux plus fondamentaux. Comment les médias de communication pourront-ils nous transformer? Comment vivons-nous en société dans un monde transformé par ces médias ? Dans l’énigmatique commentaire de Mabel, ces êtres venus du ciel veulent que nous soyons séparés, en conflit, concentrés sur nous-mêmes exclusivement.

Ces «êtres venus du ciel» pourraient-ils faire partie de notre propre paysage médiatique en évolution? Dans les années cinquante, les changements sociaux structurels dus aux changements de nos infrastructures de communication ne s'étaient pas encore produits : les problèmes étaient essentiellement des défis matériels, comme dans les premières scènes du film. Mais la description de Mabel Blanche sur ce qui est à venir porte sur autre chose que des problèmes matériels ou des défis techniques.

Certains critiques de ce film ont pensé que ses vingt premières minutes étaient trop longues et plus ou moins liées au reste du film. Ce n'est pas le point de vue du Movie Shrink. En effet, les scènes d'ouverture, pleines de dialogues animés, avec des opinions suivies de contre opinions en authentique interaction, forment une partie essentielle du film.

Ces dialogues animés sont par nature très interactive, très give and take, en direct et immédiats, les participants étant en contact et en proximité, les uns avec les autres. Cela est en contraste avec certains développements médiatiques contemporains.

LA SOCIÉTÉ DERRIÈRE LE FILM

Ce film est mieux compris en le comparant avec A Beautiful Day in the Neighborhood (2018-2019).

Du point de vue de Movie Shrink, ces deux films nous ramènent à une période révolue, les années 1950 et 1960, où les interactions et les dialogues étaient plus harmonieux, où les gens interagissaient les uns avec les autres. Les médias n’avaient pas encore eu l’effet d’isoler les individus, comme Mabel Blanche l'a décrit aux jeunes enquêteurs. Est-ce que nos tendances médiatiques actuelles, que l'on retrouve en grande partie dans les échanges intenses et hostiles à travers les réseaux sociaux (et les médias sociaux), constituent la réalisation des prédictions de Mabel, à l’effet que les gens deviendront de plus en plus séparés ? Toutes les interprétations du Movie Shrink ne seront pas tirées d'interprétations médiatiques ou d'analyses inspirées de Marshall McLuhan. Mais A Beautiful Day in the Neighborhood (2019) et The Vast of Night (2020) sont mieux compris à travers cette perspective.

Traductions de l’anglais : Georges Mercier