COCHON

2 décembre 2021

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Que nous dit ce film mélancolique? On a l’impression qu’il nous dit quelque chose, mais quoi ? Même si le personnage principal du film a déjà vécu une sorte d’équilibre et d’harmonie dans sa vie antérieure comme chef dans un grand restaurant, il ne trouve ces moments de grâces seulement comme un ermite qui consacre maintenant sa vie à chercher des truffes et des champignons dans la forêt, accompagné de son bien-aimé cochon. Mais que nous dit donc ce film sur notre époque ?

Film américain du réalisateur Michael Sarnoski , qui a aussi écrit le scénario (avec Vanessa Block), avec comme acteur principal Nicolas Cage. Film qui a été considéré comme un des meilleurs films de 2021.

L’HISTOIRE

C’est l’histoire de Robin « Rob » Feld, veuf de son état, ancien chef de restaurant très connu à Portland, Oregon, qui vit maintenant comme reclus communiant avec la nature, avec pour seule compagnie, un cochon. Ce cochon est aussi son assistant dans sa recherche de truffes et de champignons.

Son bien aimé cochon est volé en pleine nuit et Rob part à sa recherche, accompagné de celui qui achète ses truffes, Amir, un jeune aspirant commerçant, qui a ses propres démons, entre autres avec ses relations avec son père, Darius, un homme d’affaire un peu mafieux, qui n’est d’ailleurs pas étranger au vol du cochon. Plusieurs années auparavant, Darius avait été client au restaurant de Rob, avec Rob comme chef, dans le cadre d’un repas exceptionnel, marqué par la grâce et l’harmonie, un repas qui avait constitué un rare moment de bonheur pour l’épouse de Darius, dans le cadre d’une vie marquée par la tristesse. L’épouse de Darius allait plus tarde tenter un suicide qui s’avérera en partie raté.

La recherche de Rob l’amène à son ancien restaurant, où il était un chef réputé, et il y rencontre le maître d’hôtel qui, en réponse aux questions de Rob, confirme ce dont ce dernier se doutait depuis un certain temps, à savoir que le monde de la gastronomie avait été perverti par différents développements, comme les exigences insistantes des clients et la logique commerciale. L’hôte reconnaît qu’il a lui-même ignoré ses propres choix de mode de vie et ses préférences fondamentales, voire ses valeurs.

Rob apprend un peu plus tard que son cochon a été tué, quelque peu accidentellement, quand on a volé l’animal.

Il retourne vers sa vie d’ermite, et il écoute parfois la voix de son épouse décédée sur un vieil appareil d’enregistrement.

QUELQUES INTERPRÉTATIONS

Il s’agit d’un type de film qui demande à être interprété. Et les interprétations n’ont d’ailleurs pas manquées.

On a pu le voir, dans un premier temps, comme un film qui se penche sur des éléments de vie individuels, comme le deuil, la peine, les pertes, les questions de vie et de mort. Comme tel, il a été vu comme un film doucement méditatif (gently meditative) par Linda Marric du Jewish Chronicle, ou encore une histoire « qui veut nous réconcilier avec l’inévitabilité de la mort » comme le suggère Robert Roten dans le Laramie Movie Scope.

Allant un peu plus loin, David Sims du Atlantic Monthly décrit le film comme étant une histoire ingénieuse à propos du processus « qui amène le commercialisme et le marché détruire la pureté de l’expression artistique ».

UNE INTERPRÉTATION ADDITONNELLE

Dans la perspective du Movie Shrink, il y a une interprétation plus globale, mais quelque peu plus intello.

Le vrai sujet du film concerne l’absence de l’harmonie et de l’équilibre. Il y a de ces moments de grâce, comme ceux qu’ont connus Darius et son épouse devant le repas que leur avait préparé Rob comme chef il y a plusieurs années. On peut connaître de tels moments de grâce, mais ils semblent être maintenant rares, moins fréquents ou même en train de disparaître. Comme l’a suggéré David Sims, ces moments de grâce peuvent être minés par le commercialisme ambiant. Cela fait surement partie de l’équation.

Mais il y a plus.

Au-delà des dynamiques des contraintes commerciales, se tient le défi de respecter la nature, bien entendu, mais aussi nous-mêmes. La longue conversation entre Rob et le nouveau maître d’hôtel du restaurant suggère que cette authenticité est plus difficile à atteindre aujourd’hui. Ces expériences gastronomiques authentiques qu’on pouvait connaître avec la gastronomie de Rob, avec tout l’équilibre et l’harmonie qu’ils supposaient entre nos sens, sont en effet des moments de grâce qui disparaissent peu à peu.

Ces moments sont donc plus rares aujourd’hui, à cause de plusieurs raisons : commercialisme, intérêt, développement urbain, cuture de masse ou encore perte du sens de l’harmonie et de l’équilibre.

L’équilibre et l’harmonie peuvent encore survivre aujourd’hui, mais il est plus probable de les rencontrer auprès d’un ermite vivant en forêt et cherchant des truffes et des champignons à l’aide de tous ses sens, en équilibre, la vue mais aussi l’odorat et le goût. Il arrive souvent que les cochons y soient plus habiles que les humains, mais il peut arriver qu’un grand chef puisse aussi y arriver.