Prouesses techniques ou sujets difficiles: Avatar vs. La baleine
5 mars 2023
Entrée du 5 mars
Prouesses techniques ou sujets difficiles : Avatar vs. La Baleine
Avec tout ce qui est disponible aujourd’hui en moyens et en performances visuelles, nous pouvons évaluer un film sur la façon dont il s'appuie sur des techniques cinématographiques sophistiquées (ou non) pour atteindre le public.
Les films de 2022 montrent de grandes différences à cet égard, allant de films si basiques sur le plan technique qu'ils auraient pu être réalisés dans les années 1950, jusqu’à des films qui reposent essentiellement sur des prouesses techniques pour toucher le public.
En termes de sophistication technique, il serait difficile de trouver des films plus contrastés qu'Avatar et The Whale (La Baleine). Pourtant, leurs différences ne portent pas uniquement sur la technique, et nous reviendrons plus tard sur d'autres différences importantes entre les deux films.
Mais commençons par le degré de sophistication technique, ou leur absence, pour ce qui est de certains des films importants de 2022.
DEGRÉS DE PROUESSES TECHNIQUES
Dans la catégorie sans prouesses techniques, on trouve, outre The Whale (La Baleine), TAR, Women talking, Live (Vivre), et, dans une large mesure, Triangles of Sadness (Sans filtre). Tous ces films, en termes de sophistication technique, auraient pu être réalisés dans les années 1950.
Dans la catégorie intermédiaire des prouesses techniques, on peut citer un film comme Don't worry Darling (Ne t’inquiète pas chérie), où il y a des superpositions entre rêve et réalité et entre présent, passé et futur. Dans cette même catégorie intermédiaire, on trouve Aftersun, l'histoire d'une jeune femme adulte qui se souvient, grâce à des vidéos amateurs, de ses vacances en Turquie avec son père, alors dépressif. Les vidéos amateurs sont complétées par des images déstabilisantes entre réalités et rêves.
Dans les films étrangers (c’est-à-dire ici non américains) de 2021-2022, le film norvégien The Innocents (2022 (Les Innocents), une histoire d'enfants pas vraiment innocents livrés à eux-mêmes, certaines images mêlent, ici aussi, le passé et le futur, le rêve et la réalité. Dans cette même catégorie de films non américains modérément sophistiqués sur le plan technique, on peut citer le film franco-suédois- mexicain Sundown (film de fin 2021 à ne pas confondre avec le film Aftersun mentionné précédemment), l'histoire d'une famille britannique en vacances au Mexique, au cours de laquelle sont diffusées des images impromptues de l'entreprise familiale, qui est une entreprise agroalimentaire traitant de la viande de porc, montrant les animaux apparaissant de manière inopinée à l'écran aux moments les plus surprenants.
Dans la catégorie des films de 2022 plus sophistiqués sur le plan technique, on trouve le film Bullet Train et le film acclamé Everything Everywhere All at Once, où la sophistication technique est un ingrédient important du film. On peut dire la même chose de Babylon, bien que dans ce cas, la prouesse technique ne détourne pas l'attention de l'histoire elle-même.
RRR et Avatar
Dans un passé pas si lointain, un film étranger qui se classerait parmi les films les plus sophistiqués techniquement de l'année aurait été assez surprenant. C'est pourtant le cas du film indien RRR. Comme c'est souvent le cas avec les productions asiatiques (notamment avec de nombreux films chinois), la sophistication technique concerne l'apesanteur, les acteurs survolant les obstacles, les bâtiments et les ennemis. Il y a une grâce dans tout cela, qui atteint même une dimension poétique, tout en servant l'histoire. Dans ce cas, les prouesses techniques ne détournent pas , en effet, l'attention de l'histoire mais la servent. Elle atteint même un équilibre presque idéal.
Dans le cas d' Avatar ce sont les prouesses techniques qui mènent l'histoire, et l'histoire est au service des prouesses techniques, une simple introduction à la magie cinématographique. La célébration de la famille, de l'amitié, de la fidélité et de la bonté est donc tout artificielle et seulement une composante nécessaire et inévitable de la prouesse technique. Le film est déséquilibré, il est disproportionné. Ce n'est pas une question de quantité, mais de proportion. On perd de vue l’histoire.
Allons un peu plus loin.
Comparons The Whale et Avatar. Les deux films ne sont pas seulement différents, mais se situent aux extrémités opposées d'un continuum. The Whale déborde de contenu et est essentiellement dépourvu de techniques sophistiquées, tandis qu'Avatar est plein de sorcellerie technique et manque de contenu réel. Se pourrait-il que lorsque des sujets réels et importants sont abordés, tels que l'obésité, la dépression et l'homophobie, comme dans The Whale , il n'y ait pas vraiment besoin de prouesses techniques ?
Serait-il injuste envers Avatar d'affirmer que, par sa magie technique, il néglige des sujets importants et réels de notre époque, et qu'il constitue une forme de déni ? S'il est effectivement élu meilleur film de l'année, cela indiquerait une fois de plus qu'en cas de choix, Hollywood, du moins cette année, préfère le déni au contenu.