LES CRIMES DU FUTUR

18 juin 2022

À Cannes, le réalisateur du film, le Canadien David Cronenberg avait prédit qu’une partie de l’auditoire quitterait la salle de projection dans les premières minutes de son film. Il y a en effet beaucoup de choses dans ce film qui peuvent déranger, dont le principal thème est la transformation du corps humain vue, pour ainsi dire, « de l’intérieur ».

Les Crimes du Futur, un film de 2022 du réalisateur canadien David Cronenberg, une production Canada-France-Royaume Uni-Grèce, présenté en compétition pour la Palme d’Or à Cannes en 2022.

L’HISTOIRE

Dans un futur pas très éloigné, le principal personnage, Saul Tenser, met en scène les nouveaux organes qui poussent dans son corps, offrant ce spectacle avec l’aide de Caprice, son ancienne chirurgienne, maintenant devenue son assistante et sa compagne. Le public paie pour assister à ce spectacle.

Le National Organ Registry, présumément une bureaucratie du futur, suit les spectacles et se tient prêt à intervenir, mais une fonctionnaire du nouveau ministère, Timlin, succombe aux charmes du spectacle, quand elle éprouve un plaisir érotique certain lié au contact d’un organe de Saul, la vedette, entre deux spectacles.

Plus tôt, un garçon est tué par sa mère, qui craint la propension du jeune à ingurgiter et à digérer du plastic comme nourriture, avec les sombres implications que cela possède pour l’avenir de l’humanité, selon elle.

Il se trouve bien des intrigues additionnelles dans ce film, comme celle impliquant le père du jeune garçon qui, contrairement à son ex-épouse, est plutôt confortable avec l’idée de mutations physiques dans le corps humain. Toutes les intrigues concernent les changements dans l’évolution du corps humain.

QUELQUES INTERPRÉTATIONS

Comme on pouvait s’y attendre, ce film étrange a suscité un grand nombre d’interprétations divergentes. Dans un premier temps, on l’a décrit comme étant une « descente tordue vers la folie à la fois rétro et futuriste » (Sara Michelle Fetters, dans MovieFreak.com).

S’agit-il par ailleurs d’un film sur « la disparition inévitable de l’espèce humaine » ou encore sur « l’érosion et la disparition de nos écosystèmes naturels », comme le suggère Tomris Laffy dans Roger Ebert.com ?

Bien entendu, il y a plusieurs autres possibilités d’interprétations pour ce film qui « laisse en suspens une trop grande quantité d’idées », avec des « appels vagues à des notions d’évolution et de désordre social » (Tomris Laffy), en « nous offrant beaucoup plus de mystères que de solutions » (David Rooney dans The Hollywood Reporter).

LE FILM SUR LE DIVAN DU MOVIE SHRINK

Quand un film donne lieu à autant d’interprétations différentes, c’est souvent qu’il n’a pas de thème central, ou que nous ne réussissons pas à l’identifier, ou encore parce que le film est lié de près aux préoccupations personnelles de son créateur, en dehors de toute dynamique sociale apparente. Autrement dit, comprendre le film, ce serait comprendre le monde de l’imaginaire du créateur David Cronenberg.

Mais il y a une autre interprétation de ce film exigeant.

Le film pourrait se comprendre comme notre perception changeante du corps humain. Il n’est plus une entité sacrée. Il peut être changé, modifié, manipulé. Le corps se plie à notre volonté. C’est l’humain qui, au final, impose sa volonté au corps. C’est l’information qui domine la quincaillerie. Délivrés des dictats de la nature, nous pouvons choisir ce que nous désirons ou voulons. Nous pouvons changer par exemple notre identité sexuelle, notre genre, si ce qui nous a été donné au départ ne nous satisfait pas. C’est l’esprit qui domine la matière. Comme dans un film français récent, Titane, gagnant de la Palme d’Or à Cannes en 2021, qui racontait les péripéties d’une jeune femme, meurtrière de son premier métier, qui se déguise et se transforme en un jeune garçon qui a récemment disparu, au grand plaisir de son père éprouvé qui croit retrouver son fils. Dans la première partie du film, l’héroïne a eu des relations sexuelles avec une automobile et en est devenue enceinte, comme en témoigne l’huile à moteur qu’elle perd, présumément en lieu du sang.

Ainsi, et paradoxalement, deux films complexes et exigeants s’éclairent l’un l’autre, au lieu de nous confondre.