Féminisme et films de genre 2022. Entrée du 5 mars 2023

5 mars 2023

Durant l'année 2022, les films sur les thèmes du féminisme et du genre ont affirmé leur présence, et nous disposons maintenant d'une gamme assez large de films de ce type, allant de films carrément militants à des films moins militants, certains films penchant même vers un certain scepticisme sur le mouvement, avec plusieurs films entre ces positions extrêmes.

Prenons les films candidats ou nominés de la saison actuelle des Golden Globes et des Oscars.

Si nous devions commencer par les histoiresles plus extrêmes, Where the Crawdads Sing (Là où chantent les écrevisses) serait un bon début. Dans cette histoire, une femme vivant seule règle ses comptes avec un homme qui a abusé d'elle en le jetant du haut d'une tour d'observation vers sa mort. Bien sûr, c'est une sorte de métaphore, d'une mesure de la colère.

Don't Worry Darling (Ne t’inquiète pas chérie) raconte l'histoire d'une communauté de banlieue, directement inspirée des années 50, tout à fait séparée du monde extérieur, dans le désert américain, où les femmes étaient censées garder la maison bien propre jusqu'à ce que les maris reviennent du travail. Au fur et à mesure que la communauté évolue, des choses étranges se produisent, et les femmes deviennent soit révoltées, soit déprimées, et l'avenir de la communauté semble pour le moins incertain.

Dans Blond, un film assez directement axé sur la vie personnelle et professionnelle de Marilyn Monroe, la star est cataloguée dans des rôles bien précis, la limitant toujours à être belle et soumise, avec toutefois plusieurs moments où elle tente, parfois avec succès, de s'affranchir de la position qui lui est assignée. Sa chute finale est à la fois une accusation et un appel au secours.

Dans un contexte européen, le film français L'événement (2021) (Happening, en anglais, 2022), non nominé pour des prix en Amérique du Nord, mais grand vainqueur de la Mostra de Venise), concerne le contexte des conditions périlleuses des femmes cherchant à se faire avorter au début des années 1960. C'est un film qui n'est que légèrement militant, car il permet de mesurer les progrès accomplis depuis cette décennie, mais il rappelle aussi à quel point ces avancées ont été fragiles, surtout si l'on considère les débats qui ont lieu aujourd'hui aux États-Unis.

Films modérément militants

Dans la catégorie intermédiaire du militantisme, se trouve le film Women Talking, où les femmes d'une communauté fermée et fortement religieuse se réunissent pour discuter de la manière de faire face à l'autorité, aux agressions, aux viols et parfois aux meurtres de la part des hommes. Les femmes discutent longuement du choix entre trois options : continuer comme avant, changer leur communauté pour le mieux, ou partir. Le choix est présenté ici comme une décision de groupe, un choix communautaire, mais son application plus contemporaine pourrait aussi se présenter comme un choix personnel, celui d'une femme mariée face à son mari violent : continuer comme avant, tenter un changement, ou partir.

Des thèmes plus désengagés, plus sceptiques

Dans certains des films de cette année traitant du genre et des femmes, certains films semblent suggérer que les attitudes autoritaires, les comportements injustes, le favoritisme et les comportements contraires à l'éthique ne sont pas le monopole du genre masculin.

Dans TAR, la femme directrice d'orchestre est aussi sujette que les hommes à un comportement erratique et autoritaire, essayant de favoriser des amoureuses potentielles pour qu'elles se produisent dans son orchestre et essayant aussi de dissimuler ses activités passées, qui se révèlent inappropriées. Le comportement d’une femme peut être aussi contraire à l'éthique que celui de ses homologues masculins, si elle en a l'occasion, c’est ce que le film suggère. L'actrice Cate Blanchett a dû défendre cette conclusion inévitable face aux critiques des médias.

Dans le même esprit, dans Triangles of Sadness (Sans filtre), après qu'une croisière de luxe ait fait naufrage à la suite d'une tempête, une femme de ménage, en raison de ses connaissances particulières sur la survie dans la nature, se transforme en chef autocratique, allant jusqu'à s'approprier pour elle seule les meilleures installations et à garder pour elle le jeune survivant le plus séduisant du groupe de rescapés.

Dans un film mexicain de 2021 Sundown, projeté sur écran surtout à partir de 2022, une femme-chef d'entreprise est aussi dure, voire plus dure, que son frère malade, dans sa façon de diriger une entreprise de conditionnement de viande en Grande-Bretagne et traite avec lui de manière injuste, lors du séjour de la famille dans un hôtel de luxe tout inclus au Mexique.   

La conclusion suggérée dans ces trois derniers films, TAR, Triangles of Sadness et Sundown, est que la position dans laquelle vous vous trouvez conditionne en grande partie votre comportement. Les femmes peuvent ainsi être aussi erratiques et autoritaires que les hommes si on leur donne les "bonnes" circonstances.  Du moins, c’est ce qui se dégage de ces films. Pour certains, cette conclusion peut sembler pessimiste, mais pour d'autres, elle peut être plus positive dans la mesure où elle suggère qu'il n'y a rien d'inhérent ou de "naturel" dans le fait que les femmes sont souvent les perdantes des relations d'autorité.

Pour conclure

Les films considérant la dynamique et les problèmes du genre, nominés ou considérés pour les Golden Globes ou les Oscars de 2023 (pour les films de 2022) révèlent, dans leur ensemble, un traitement étonnamment nuancé de ce thème, allant d'un ton plus militant (Where the Crawdads Sing, Don't Worry Darling), à un ton légèrement moins militant (Blond, Women Talking), et enfin à un ton plus nuancé et même plus sceptique (TAR), Triangle of Sadness, Sundown).

Cette conclusion peut être décevante pour certains, mais pour d'autres, c'est peut-être le signe que le sujet des films de genre a mûri vers des perspectives plus nuancées et contextuelles, et cela peut être plus révélateur qu'une perspective en noir et blanc.

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