LES INNOCENTS
25 septembre 2022
Ce n’est pas la première fois qu’un film ou un roman décrit comment les enfants ne sont pas toujours aussi innocents qu’il y paraît. Ce qui est particulier ici, dans ce film, est que les incidences de cruauté et de malice des enfants semblent se dérouler dans un contexte de vacuum, où les habitants du quartier sont en grande partie absents, partis en congé de vacances d’été.
Les Innocents. Un film norvégien du directeur Eskil Vogt, qui a aussi signé le scénario, sorti en mai 2022.
L’HISTOIRE
Une jeune famille norvégienne, avec deux jeune filles, Anna, une autiste, et Ida, plus jeune, déménagent dans un nouveau quartier, arrivant à un moment de l’année où la plupart des résidents sont partis en vacances d’été.
Parmi les rares enfant qui restent dans le quartier à cette période de l’année, se trouvent deux enfants, apparemment émigrés récents, de familles différentes, qui semblent posséder des pouvoirs magiques : Ben, un jeune garçon plutôt cruel, qui utilise ses dons particuliers dans des buts malicieux, et Aisha, qui possède aussi des pouvoirs particuliers, télépathiques pour être plus précis, mais qui s’en sert, elle, dans des buts altruistes, en particulier pour communiquer avec l’autiste Anna et pour la faire évoluer vers un mieux-être.
Beaucoup de choses se passent entre les quatre enfants, y compris la tuerie d’un chat, qui est jeté du haut d’un escalier, puis piétiné à mort, y inclus aussi des meurtres et des mises à mort, alors que les pouvoirs sont utilisés pour le bien, mais surtout pour le mal. Ben apparaît comme particulièrement méchant alors qu’il laisse sa propre mère gisante et étendue au sol, après qu’il eut fait exploser une marmite devant son visage.
QUELQUES INTERPRÉTATIONS
Bien entendu, on a présenté le film comme une indication que les enfants peuvent être, à leur manière, cruels et méchants, ou, comme l’exprime Richard Whittaker du Austin Post, une indication de la « présence du côté sombre de l’enfance » ou encore de « la banalité du mal », selon Tasha Robinson de Polygon.
Bien entendu, Freud nous avait expliqué que les enfants ne sont pas toujours aussi innocents qu’il n’y paraît. À cet égard, rien de très nouveau que nous ne savions pas avant, surtout avec les incidences contemporaines de cruauté sur les réseaux sociaux, en plus des intimidations physiques à l’école, illustrées dans le film européen récent Un monde (2021).
Pourquoi donc aller plus loin pour éclairer davantage ce film ?
Pour Peter Bradshaw, critique de film réputé du Guardian, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin « pour interpréter le film comme, par exemple, comme « une métaphore pour des dysfonctions familiales » D’ailleurs, pour Bradshaw, une des forces du film est qu’il ne s’y trouve pas d’autre niveau pour le comprendre. Les enfants ont, dans ce film, des pouvoirs surnaturels et c’est tout, et cela a quelque chose à voir avec le fait que ce sont des enfants, justement, conclut Bradshaw.
Cette position de Bradshaw, un critique de film des plus réputés, est tout à fait pertinente, mais, selon son habitude, Des films sur le divan veut aller plus loin, surtout pour mieux comprendre les dynamiques sous-jacentes du film, au risque de pousser l’analyse trop loin.
LE FILM SUR LE DIVAN
L’analyse du film par Des films sur le divan concerne essentiellement le contexte assez précis dans lequel se déroule cette explosion de cruauté chez des enfants.
Le contexte en est un où la plupart de habitants du quartier sont partis en vacances d’été et les scènes du film se déroulent dans un environnement de vacuum social, devant des grands édifices impersonnels et à toutes fins pratiques vides.
Ce que le film suggère est que la cruauté et la malice présentes chez les enfants (et chez n’importe qui d’autre, en réalité) sont, en temps normal, contraintes et mises en veilleuse dans un contexte institutionnel régulier, où il y a plusieurs personnes présentes, ce qui amène un contexte où les pulsions sont mieux contrôlées. Cette interprétation semble confirmée par le fait que, à la fin du film, quand les vacanciers reviennent dans le quartier et quand les choses retournent à la normale, à l’école en particulier, la situation semble aussi revenir à la normale chez les enfants qui avaient, durant l’été, des pouvoirs extraordinaires.
Le Movie Shrink, et le site Des films sur le divan, réalisent que l’interprétation du film par une dynamique institutionnelle peut sembler manquer de piquant, ou même drabe mais c’est bien cette interprétation qui semble la plus éclairante et celle qui rattache le mieux les divers éléments du film.