WOMAN AT WAR
20 juin 2020
L’état de l’environnement est un sujet sérieux, et ce film interpelle ce défi important. Mais le ton léger du film nous porte à croire qu’un autre sens s’y loge également.
Woman at war, Islande 2019, réalisé par Benedikt Erlingsson.
L’HISTOIRE
(ceci est une alerte aux divulgâcheurs : ne pas lire cette section si vous souhaitez connaître l’histoire uniquement lors du visionnement du film).
Dans l’Islande contemporaine, Halla, de métier cheffe d’une chorale locale, est également, et secrètement, une environnementaliste farouche, consacrant ses temps libres à l’assaut des pylônes électriques qui fournissent de l’énergie à une usine d’aluminium, elle-même reliée à une entreprise chinoise très impliquée dans le commerce global et la dégradation de l’environnement.
Le film suit ses secrètes, et parfois comiques, aventures écologiques de destruction d’infrastructures, à partir de leur élaboration, jusqu’à leur réalisation.
Halla est en quelque sorte une célibataire assumée, au début de la quarantaine, et on apprend au cours du film que sa demande d’adoption d’une jeune ukrainienne a été acceptée. Ceci vient lui causer un important dilemme personnel, car une possible condamnation liée à ses activités militantes criminelles l’empêcherait d’être considérée comme un parent adéquat par l’agence d’adoption.
Ses activités écologistes illégales doivent dès lors être d’autant plus gardées secrètes.
Cependant, la police, comme on pouvait s’y attendre, progresse dans son enquête à propos des activités d’Halla. Le progrès de l’enquête est entièrement dû à de l’expertise technique, et non pas à des informations qui auraient été transmises par ses proches, bien qu’un grand nombre d’individus aurait pu dénoncer Halla. Son compagnon de chorale, impliqué, dans sa vie professionnelle, dans les plus hauts niveaux du gouvernement, ne dénonce pas ses activités illégales. Un fermier, dont les terres se situent à proximité des activités illégales de Halla, non seulement ne la dénonce pas, mais la protège même des patrouilles policières en lui fournissant un véhicule de fuite.
Plus tard dans le film, vers sa conclusion, après que Halla eut été identifiée et arrêtée, sa sœur jumelle, Asa, dont le projet de vie consistait à rejoindre un guru réputé en Inde pour réaliser une expérience spirituelle, accepte de truquer les autorités de la prison en changeant de place avec Halla, puisque la prison lui offrirait la solitude et les opportunités de réflexion qui auraient été possibles en Inde, permettant ainsi à Halla de s’échapper et de rejoindre l’Ukraine pour y chercher sa future fille d’adoption.
L’ANALYSE DU MOVIE SHRINK
Au premier regard, ce film est une fable écologique, présentée toutefois avec un certain degré d’humour et de légèreté. Apparaissant fréquemment à l’écran se trouve un intriguant trio musical fournissant une bande sonore quelque peu comique au film. Plus tard, un autre groupe, cette fois-ci composé de danseurs traditionnels ukrainiens, apparaît quelque peu inopinément à l’écran. Ces apparitions dédramatisent la lutte écologique de l’héroïne. Ce faisant, la lutte écologique n’apparaît pas être si urgente ou pressante, puisque ces deux trios artistiques apparaissent et disparaissent à l’écran sans être invités, ce qui fournit une dimension comique à toute l’histoire.
Cette dimension comique nous amène à conclure que nous devons peut-être aller par-delà la fable écologique si nous souhaitons saisir l’essence du film.
Le film n’est peut-être pas, en effet, à propos des pressantes luttes environnementales autant qu’il est à propos des fondements sociologiques de ces soucis post-modernes. L’élément sous-jacent et plus important pourrait très bien être les interactions sociales et humaines particulièrement harmonieuses entre les personnages de ce qui semble être un paradis social islandais. Le rôle d’Halla en tant que conductrice de chorale, en quête d’harmonie, semble pénétrer tous les personnages du film. Pour commencer, comme suggéré précédemment, les deux sœurs jumelles sont en harmonie, au point d’adapter et de modifier leurs ambitions de vie dans le but de s’aider mutuellement ; l’ami de Halla travaillant au gouvernement garde le secret dans le but de la protéger ; le fermier fait preuve d’une grande solidarité avec le projet de Halla, lui qui ne connaissait pas Halla au départ.
Somme toute, l’Islande apparaît selon ce point de vue comme un havre d’interactions humaines harmonieuses, marqué au coin de l’empathie et de la générosité.
L’ÉLÉPHANT DERRIÈRE L’ÉCRAN
À travers l’évolution de cette histoire, se trouve la suggestion sous-jacente que les préoccupations écologistes pourraient être plus susceptibles d’exister, tout au moins au début, dans des sociétés étant elles-mêmes, du point de vue social, harmonieuses, comme si l’harmonie sociale préexistante pouvait fournir un modèle et une inspiration pour l’harmonie d’entités plus larges, comme l’environnement ou la planète Terre.
Mais, bien entendu, alors que nous passons d’entités plus petites à de plus grandes, l’harmonie est plus difficile à atteindre : plus difficile sur la planète Terre ou en Ukraine qu’entre deux sœurs jumelles ou entre les villageois d’un pays démocratique tel que l’Islande.
Sur l’échelle de la qualité de vie de ses citoyens, l’Islande se situe devant de nombreux pays qui nous viendraient spontanément en tête de prime abord, une fois que la santé publique et la sécurité sont prises en compte. Une fois que notre maison est en ordre, comme apparemment en Islande, il est plus facile de commencer à penser à la planète, ce qui explique pourquoi l’Europe (et particulièrement l’Europe du Nord) est, généralement, et toute chose considérée, en tête de file de la conscience écologique.
Afin de comprendre pleinement le film à l’étude ainsi que le processus qui engendre des préoccupations post-modernes, comme les préoccupations écologiques, il nous faut revenir aux théories de Maslow et Herzberg à propos de la hiérarchie des besoins. En prenant des êtres humains individuels pour exemples, la perspective de la hiérarchie des besoins stipule que c’est uniquement lorsque les besoins de base sont satisfaits (la sécurité, la nourriture, l’habillement et l’abri) que les besoins plus hauts (le besoin de réalisation personnelle ou d’accomplissement, par exemple) peuvent être considérés. Comme c’est souvent le cas, c’est à travers une perspective comparée que nous pouvons apprécier pleinement ce film et les dynamiques qui amènent des individus provenant d’un pays comme l’Islande à s’intéresser particulièrement à la sauvegarde de l’environnement.
Dans des films assez récents provenant du Moyen-Orient, comme par exemple des films tels que Capernaum 2018 (Capharnaüm en français) ou Le client (2017) il apparaît que certaines zones de la planète sont si occupées à survivre aux défis exigeants des interactions économiques quotidiennes que l’inquiétude à propos du sort de l’environnement peut être considérée comme un luxe.
Mais pas en Islande.
Traductions de l’anglais : Georges Mercier